Espace Bernard Mantienne, 3 voie de l'Aulne 91370 Verrières-le-Buisson

Interview des projectionnistes de
l'Espace Bernard Mantienne

 

 

Quel est le rôle d’un projectionniste ?

Cécilia Un projectionniste est une personne en charge de la projection des films dans un cinéma. Il s’assure de la bonne qualité de l’image et du son. Il gère le fonctionnement, l’entretien et le dépannage des appareils de projection. 

Julien : En plus de cela, le ou la projectionniste peut aussi être en charge de la sécurité du bâtiment, entre autres de l’évacuation des spectateurs en cas de suspicion d’un départ de feu. 

 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce métier ? 

Cécilia : J’ai toujours aimé le cinéma, mais cela a été vraiment une évidence lorsque j’ai visité le Musée National du Cinéma de Turin au cours d’un voyage scolaire. J’ai été émerveillée par tous ces appareils optiques. J’ai tellement appris pendant cette journée… c’était magique ! 

Plus tard j’ai aussi découvert le film « Cinéma Paradiso » de Giuseppe Tornatore, un très bel hommage au cinéma qui a touché mon âme d’enfant.

Julien : Je suis simplement passionné par le cinéma depuis que je suis assez jeune. Je pense que les projections que j’ai vues enfant, telle que celle du « Grand Bleu » de Luc Besson, ont contribué à me faire aimer le partage d’une histoire avec un public. La salle était pleine. 

 

Depuis combien de temps exercez-vous le métier de projectionniste ?

Cécilia : Cela fera déjà 7 ans le 13 juin 2020. Oui c’est précis (rire). J’ai la chance de pouvoir exercer ce métier que j’aime et que je défends depuis la fin de mon cursus scolaire. 

Julien : Je suis projectionniste depuis maintenant un peu plus de 20 ans.

 

Quel est votre cursus justement ?

Cécilia : Après mon baccalauréat, j’ai passé un BTS Métiers de l’audiovisuel, puis j’ai obtenu une Licence professionnelle audiovisuelle. Cela a été très intéressant, j’ai pu faire des stages dans le milieu de la télévision, de la radio et de l’événementiel. J’ai pu apprendre la prise de vues, le mixage son, le montage vidéo… bref toutes les étapes nécessaires à la fabrication d’un film. Ce n’est qu’après cela que j’ai décidé de passer mon CAP Opérateur projectionniste de cinéma. Je voulais boucler la boucle en quelque sorte. 

Julien : J’ai d’abord effectué des études dans le bâtiment, mais comme cela ne me plaisait pas du tout, je me suis demandé dans quel milieu professionnel je me plairais le plus. Pour moi c’était une évidence, c’était le cinéma. Comme le métier de projectionniste était le plus accessible, j’ai décidé de passer mon C.A.P. Opérateur projectionniste de l’audiovisuel. J’ai ensuite fait une école de cinéma, le C.L.C.F., pour devenir monteur mais finalement j’ai préféré rester projectionniste. 

 

Le CAP Projectionniste suffit-il pour exercer ce métier ? 

Cécilia : Oui, mais être titulaire d’une habilitation électrique et du SSIAP (sécurité incendie et assistance à personnes) est un véritable plus. Nous travaillons dans des établissements qui reçoivent du public, il est nécessaire d’apprendre certaines règles et de les appliquer pour pouvoir assurer la sécurité des biens et des personnes. 

Julien :  A mes débuts oui, mais comme ma binôme Cécilia l’a dit, le S.S.I.A.P. et l’habilitation électrique sont de plus en plus demandés, voire uniquement demandés, par exemple dans les multiplexes comme Gaumont ou C.G.R.. 

 

Comment peut-on passer le CAP Projectionniste ? 

Cécilia : Pour ma part je l’ai passé avec le CNED, un organisme de formation à distance. On vous envoie les cours théoriques sous forme de livrets (techniques de projection, connaissance du cinéma, législation professionnelle…) et l’organisme vous conventionne pour plusieurs semaines de stage dans un ou plusieurs cinémas. Vous pouvez ainsi apprendre la pratique. La formation se fait généralement sur un an et vous devez vous inscrire en candidat libre pour pouvoir passer l’examen en fin d’année. 

Julien :  J’ai moi-même passé le C.A.P. en candidat libre, ce qui a été un échec par manque de pratique. La formation en alternance m’était plus adapté car, j’ai pu me former à l’école et dans un cinéma où il y avait des avant-premières, des rencontres avec les cinéastes, une utilisation de matériel de studio… 

 

Quels sont les missions du projectionniste à l’Espace Bernard Mantienne ?

Cécilia :  Depuis le passage au numérique, le métier de projectionniste a beaucoup évolué. Il est devenu plus polyvalent. Par conséquent, nous sommes amenés à faire des tâches secondaires comme tenir et programmer la caisse, commander et changer les affiches... 

Mais je suis projectionniste avant tout ! 

Julien : Nous sommes des projectionnistes polyvalents donc nous sommes amenés à exécuter d’autres tâches que la projection. Nous faisons aussi la billetterie, et c’est la plupart du temps nous qui vous accueillons et vous renseignons au cinéma pendant les heures de projection. 

 

Quelles sont les différences entre le 35 mm et le numérique ?

Cécilia : Je n’ai pas vraiment connu le 35 mm. Quand j’ai passé mon examen en 2013, nous étions déjà passé au numérique. Cet été là, j’ai juste eu l’occasion de faire quelques séances en plein air, c’est tout. Ce que je connais du 35 mm, je l’ai appris dans mes cours. 

Par contre, il est vrai qu’avec le 35 mm, s’il manquait une image ça ne vous empêchait pas de projeter votre film. Avec le numérique, s’il vous manque ne serait-ce qu’un fichier de 1 Ko, vous n’arriverez pas à le diffuser ! 

Julien : Pour un projectionniste, c’est surtout le poids des copies ! Mon dos a bien souffert à l’époque…  Les copies étaient découpées en plusieurs parties qu’il fallait assembler. Cela nous prenait parfois une heure voire plus si la copie était en mauvais état. Dans ce cas, il fallait la réparer avec du ruban adhésif, couper dans le film si cela était impossible, et assembler le tout avec l’avant-programme (publicités et bandes-annonces). Puis, tout démonter le mardi soir pour faire suivre les copies dans un autre cinéma. Maintenant avec le numérique, le film est entier et nous l’insérons dans une playlist, qui est en fait le programme entier, mais où tout est numérisé. Le démontage consiste simplement à supprimer les fichiers : playlists, D.C.P. (voir plus bas) et K.D.M. (clés permettant de débloquer la lecture d’un film). 

 

Donc finalement, le 35mm c’est mieux que le numérique ? 

Cécilia : C’est différent. Certains projectionnistes qui ont connu le 35 mm ont arrêté le métier lors du passage au numérique. Cela demande plus de connaissances informatiques. A l’époque les projectionnistes étaient formés en quelques jours sur des notions qu’ils ne connaissaient absolument pas pour certains. Je peux comprendre que pour eux la transition ait été difficile.

Julien : Pour une personne qui ne s’intéresse pas à la technique, non. En tout cas les spectateurs avec qui j’ai pu en discuter n’ont pas vraiment vu de différences pendant la transition. Peut-être que maintenant, si on leur projetait un film en 35 mm, ils verraient les problèmes (de fixité d’image, de netteté, de détérioration des copies). Le numérique aussi n’a pas encore atteint le niveau de définition d’image du 35 mm et encore moins celle du 70 mm mais cela viendra avec le temps. Moi, ce qui me manque en tant que spectateur, c’est l’aspect organique qu’avait la pellicule, et en tant que projectionniste, la manipulation de celle-ci. 

 

Qu’aimez-vous dans votre métier ?

Cécilia : J’aime pouvoir parler des films avec les spectateurs. Comme nous avons deux casquettes, la projection et la billetterie, il est plus facile d’échanger avec le public, nous ne passons pas notre temps en cabine de projection. C’est pour cela que je préfère exercer ce métier dans un cinéma indépendant plutôt que dans un multiplexe. J’aime aussi travailler en équipe, c’est très enrichissant. 

Julien : Comme Cécilia, le fait de pouvoir parler des films avec les spectateurs est quelque chose de très appréciable. 

 

A contrario, qu’est-ce que vous aimez le moins ?

Cécilia : C’est un rythme de travail très particulier. Les projectionnistes de l’Espace Bernard Mantienne sont en binôme et souvent en alternance. Nous travaillons principalement le soir, mais aussi les week-ends et les jours fériés. C’est un rythme à prendre, on s’y habitue. Il y a même certains avantages : on évite les heures de pointe sur la route, on ne met pas de réveil le matin... 

Julien : Oui, bien sûr les horaires décalés, mais quand on commence ce métier on doit savoir à quoi s’attendre. Ah oui, et changer les affiches sous la pluie et le vent ! (rire) 

 

Avez-vous une anecdote à raconter ?

Cécilia Quand je débutais dans le métier, lors d’une séance, j’ai lancé la bande-annonce à la place du film (rire). C’est lorsque j’ai vu « fin de séance dans 2 minutes » que je m’en suis rendu compte. J’ai fait comme si tout était normal, j’ai enchaîné avec le film, l’air de rien…  (rire).  

Julien : Pas qu’une, entre recevoir sur le pied une copie 35 mm de « Raining stones » de Ken Loach (ça fait mal) mais aussi des choses plus classiques, comme inverser la bobine 1 avec la bobine 4, monter une bobine à l’envers (la fin était au début, donc les personnages marchaient à reculons…). Les spectateurs ont gentiment attendu que je remonte le film (rire).

 

On entend souvent parler de DCP dans votre métier, de quoi s’agit-il ?

Cécilia : Le sigle DCP signifie Digital Cinema Package. Il s’agit d’un fichier informatique encodé, compressé et crypté qui regroupe l’ensemble des fichiers images, sons et sous-titres qui composent le film. Autrement dit, c’est la copie d’exploitation numérique, le film que le projectionniste reçoit et qui va être projeté. 

C’est un terme qui est apparu avec le numérique. Les films n’arrivent plus sur des bobines, mais sur des disques durs. Ceux-ci disparaissent aussi petit à petit au profit de la dématérialisation. 

Julien : Dans la nomenclature du D.C.P., on retrouve les éléments qui permettent d’identifier le format d’image, de son, de savoir s’il y a ou non des versions pour malentendants ou malvoyants. C’est notre seul moyen de les connaître avant la projection. Sur les copies 35 mm, on devait vérifier ces informations sur la pellicule pendant le montage de la copie. 

 

Comment voyez-vous ce métier dans 10 ans ?

Cécilia : Je pense que le métier de projectionniste est encore amené à évoluer. Nous recevons de plus en plus de contenus par voie dématérialisée. En ce qui concerne la billetterie, beaucoup de cinémas sont aujourd’hui équipés de bornes d’achats. 

Parfois j’imagine le cinéma dans quelques années : une centrale qui gèrerait les projections de tous les cinémas à distance, avec sur place, dans chaque cinéma, uniquement des bornes automatiques et un agent de sécurité… et ça, ça me rend triste. J’aimerais exercer ce métier le plus longtemps possible. Je pense qu’être projectionniste c’est un métier à part, et avant tout une passion. 

Julien : Le métier évoluera peut-être encore, surtout dans les grandes structures tels qu’U.G.C. ou Pathé. Il y a vingt ans quand j’ai commencé, on m’a dit « attention le numérique va arriver et tu seras au chômage ! ». Il est vrai qu’il y a 10 ans, à l’arrivée du numérique, beaucoup de projectionnistes ont arrêté et se sont reconvertis parce qu’ils préféraient le 35 mm ou que les grosses compagnies d’exploitation ont préféré s’en séparer. Mais je ne pense pas que dans des petites structures comme l’Espace Bernard Mantienne, on puisse se passer entièrement des projectionniste, car il faut un minimum d’entretien pour les projecteurs, ainsi qu’une personnalisation de l’avant-programme. 

 

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